La réponse des grandes cultures aux changements climatiques

« Le gel a provoqué 4 milliards de dégâts pour l’agriculture en 2021 ». Serge Zaka, agroclimatologue et conférencier, a été l’un des premiers à alerter la société avant la survenance du phénomène cette année-là. Spécialiste du climat et de ses effets sur l’agriculture, il revient sur les changements climatiques de ces dernières années et des années à venir. Les premiers concernés, les exploitants agricoles, n’ont pas attendu pour s’adapter. Selon le scientifique, ils sont plutôt en avance par rapport à la société sur ce point. « Ils testent tous les jours pour voir ce qui fonctionne ».

Bilan sur ce qui attend le secteur des grandes cultures dans les années qui viennent.

Une résistance différente au climat selon les cultures

Les végétaux réagissent au changement climatique selon plusieurs facteurs :

  • Leur réponse au CO2 peut favoriser leur croissance. C’est le cas du colza ou du blé. Mais pour l’agroclimatologue Serge Zaka, « dans le Sud de la France, même des blés ont subi des pertes de rendement ces dernières années, car l’effet sécheresse a pris le pli sur l’effet CO2 ».
  • La structure racinaire des cultures est un point clé pour résister aux sécheresses. Le maïs n’en est pas bien pourvu, contrairement au colza et au tournesol. En plus, c’est une culture d’été, impactée par la chaleur en période sensible.
  • La structure foliaire impacte aussi la résistance des plantes à la sécheresse et notamment leur capacité à limiter l’évapo-transpiration pour garder l’eau.
  • La température de croissance optimale des plantes. « Aujourd’hui certaines plantes se placent bien, comme le sorgho, avec une température de croissance optimale de 35 degrés, facilement atteignable en été en France ».

Répondre par une stratégie d’évitement et la génétique

Pour Serge Zaka, le challenge des prochaines années est l’adaptation des cultures et des filières agricoles au climat.
Au niveau de l’itinéraire technique, « la stratégie d’évitement est efficace : jouer sur la date de semis pour éviter de placer les stades sensibles lors de phénomènes caniculaires, par exemple ». Mais il reste aussi des ressources aux semenciers pour faire des progrès génétiques sur les cultures communes, comme le maïs, le blé ou le riz. Même si « l’incroyable progrès génétique viendra sans doute du tournesol ou le colza », pas encore pleinement exploités, ou encore des cultures comme le mil, le millet ou le sorgho, … « qui seront forcément présentes dans les années à venir en France ». Le développement de ces espèces est stratégique, dans la mesure ou une nouvelle variété apparaît sur le marché après un temps d’attente considérable : 8 ou 9 ans.

Réfléchir à la création de nouvelles filières

Peu à peu les cultures les moins adaptées deviendront moins rentables pour Serge Zaka. Les soles de maïs, par exemple, diminueront progressivement pour laisser apparaître ces autres cultures provenant des pays du Sud. « Les cultures de protéagineux, type lentilles et pois chiche sont aussi une belle alternative. Mais la création d’une filière prend du temps : « au moins 15 ans », il est donc important d’anticiper.
Mais pour l’agroclimatologue, la solution est multifactorielle. Il voit ainsi des progrès potentiels sur beaucoup de thématiques : matériel agricole et irrigation, utilisation de l’agriculture de précision, mais aussi l’agriculture de conservation des sols ou la complexification des rotations. « Les idées sont là, les initiatives locales fleurissent ». Maintenant, il reste à soulever « une volonté politique pour soutenir les investissements et les initiatives de plus grande ampleur ».

Des chiffres alarmants

  • Impact économique du climat sur maïs non irrigués dans le Sud-Ouest en 2022 : -54% (par rapport à la moyenne de 5 dernières années)
  • Perte de rendement maïs estimé dans le Sud de la France en 2050 : -40 à -50% (par rapport aux années 2000-2020)
  • Sols en situation de sécheresse : 5% en 1960, 15% aujourd’hui, 40 à 50% en 2050 (exemple du Languedoc).
  • Fréquence des canicules en France : multipliée par 2 à 3 selon les régions aujourd’hui, multipliée par 5 ou 6 à la fin du siècle (par rapport au milieu du XXème siècle)
  • Dégâts des gels tardifs en 2050 : +60% de probabilité de vivre un avril de type 2021 d'ici 2050 à cause du changement climatique

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